Simone Pellegrini

Exposition 
        La Ressemblance


— du 20 octobre au 21 novembre 




→ Voir l’exposition virtuelle en photos

En collaboration avec Rizomi Arte

Prolongations jusqu’au 12 décembre

Permanence les jeudi, vendredi et samedi de 14h à 20h

ou sur RV - 06 86 93 84 69




Voir le film Simone Pellegrini / Une circonstance imparfaite




La galerie se soumettra aux règles sanitaires en vigueur en vous demandant d’organiser votre visite par un rdv sauf le soir du vernissage pendant lequel les gestes barrières seront respectés


Simone Pellegrini - "La Ressemblance"
sous le commissariat de
Bianca Cerrina Feroni 
bianca.cerrinaferoni@gmail.com

© Annalisa Patuelli 2018


Biographie de Simone Pellegrini
Né à Ancona (Italie) en 1972, Simone Pellegrini vit et travaille a Bologne où il enseigne à l’Académie de Beaux-Arts. Sa carrière d’artiste débute en 1996 pendant les années de formation à l’Académie des Beaux-Arts d’Urbino où il obtient son diplôme dans les années 2000.

Grâce à l’exposition personnelle Rovi da far calce (2003), son travail commence à être présenté régulièrement tant en Italie qu’à l’étranger.





Texte critique de
Barbara Safarova
Vernissage: mardi 20 octobre-16h/20h
Permanence les mercedi, jeudi et vendredi de 14h à 20h
ou sur RV 










Les anagrammes visuelles de Simone Pellegrini
Par Barbara Safarova


Fragments hétérogènes agencés dans un réseau labyrinthique, avec une forte connotation érotique, qui peuvent être attribués aux deux sexes… Le regardeur pourrait facilement se perdre dans ce parcours ponctué par ce qui ressemble à des plantes aquatiques reliées à leur tour à des éléments plutôt phalliques, nous invitant à une circulation infinie… La notion du féminin et du masculin se délite, la frontière entre l’humain et l’animal s’estompe à son tour. Est-ce que l’artiste se place en témoin enchanté du fonctionnement de la machine, de la fabrique qu’est son corps ? Ou s’agit-il de tracer, dans cette exploration jouissive des mécanismes corporels, un procédé d’auto-engendrement, une espèce d’apocalypse joyeuse ? Peut-on considérer l’œuvre de Simone Pellegrini sous l’angle d’une « machine célibataire » ?

Les œuvres de Pellegrini se présentent comme un voyage à l’intérieur du corps devenu labyrinthe. S’y déploient différents scénarios en incessante métamorphose, où les notions traditionnelles du temps et de l’espace se dilatent. La signification s’efface comme s’il y avait « seulement la "consolation" substitutive de strophes musicales répétant un espoir en berçant un deuil. […] C’est un écho de voix dans un "sommeil" de l’esprit, une vigilance diffuse à des rumeurs sans nom, un in-fini d’Autre dont les certitudes, nuits du corps, n’ont plus de repères dans les signifiants ». Effectivement, Simone Pellegrini se sert des symboles de Moyen Âge, de la mystique, en les déplaçant dans un contexte complètement différent, où leur signification d’origine — grâce aux agencements inattendus qu’il nous propose — disparaît, au profit de leur qualités formelles, créant un certain rythme et certaines vibrations spécifiques dans chaque œuvre dessinée.


Pris un à un, ces fragments de symboles et de signes rappellent d’une certaine façon des anagrammes, si tant est qu’on puisse utiliser ce mot dans un contexte plastique. Pas de meilleure définition de l’anagramme que celle donnée par l’artiste et écrivaine allemande Unica Zürn : « Les anagrammes sont des mots ou des phrases composés par transposition des lettres d’un autre mot ou d’une autre phrase. On ne doit utiliser que les seules lettres disponibles à l’exclusion de toute autre. […] Inépuisable plaisir […] de chercher une phrase dans une autre phrase. »











Ses oeuvres font partie de la collection Maramotti, Reggio Emilia // Collection permanente de la Foire de Bologne // Ca’ la Ghironda ModernArtMuseum, Bologne // Collection UniCredit, Milan // Collection Volker Feierabend, Francfort-sur-le-Main // Collection Wolfgang Hanck, Museum Kunstpalast de Düsseldorf // MUSA, Musée de Salò // Palazzo Forti, Verone // Collection de la Province de Reggio Emilia // Musées Civiques de Monza, Casa degli Umiliati, Monza.

Il est représenté par la Galerie Gugging de Vienne et la Cavin-Morris Gallery de New York.

Il collabore avec la James Freeman Gallery de Londres, l’Hachmeister Galerie de Munster et la Galerie Rizomi Arte à Parme. En 2016 il réalise le livre d’artiste Dans la chambre du silence pour les Editions Fata Morgana.



Projection permanente du film
Simone Pellegrini / Une circonstance imparfaite

Un film produit et réalisé par"Disforme" - Carlota Cicci et Stefano Massari© Disforme
Traduction: Bianca Cerrina Feroni
Montage des sous-titres en français: Urubu Films










Par ailleurs, le père fondateur de la linguistique moderne, Ferdinand de Saussure, a travaillé entre 1906 et 1909 sur des poèmes de l’Antiquité grecque et latine, avec l’objectif de démontrer que ceux-ci reposent sur des anagrammes d’un mot-thème, qui serait à la base un nom sacré. Pour Saussure, la définition d’une anagramme est un peu différente : il s’agit d’un mot ou un ensemble de mots qui contient des lettres d’un autre mot. Mais, doutant de sa théorie — il n’en a trouvé aucune preuve externe —, il a renoncé à publier ses travaux. Jean Starobinski conclut de façon suivante son livre Les Mots sous les mots. Les Anagrammes de Ferdinand de Saussure : « Saussure s’est-il trompé ? S’est-il laissé fasciner par un mirage ? Les anagrammes ressemblent-elles à ces visages qu’on lit dans les tâches d’encre ? Mais peut-être la seule erreur de Saussure est-elle d’avoir si nettement posé l’alternative entre ”effet hasard” et “procédé conscient”. [...] Pourquoi ne verrait-on pas dans l’anagramme cet aspect du processus de la parole, — processus ni purement fortuit ni pleinement conscient ? »

Les œuvres de Simone Pellegrini ont des airs d’anagrammes ; nous avons l’impression de pouvoir y reconnaître une multitude de signes qui nous sont familiers ; nous les avons déjà vus ailleurs. Or, déplacés, fragmentés, triturés, dotés d’une morphologie certes reconnaissable mais modifiée, ces symboles perdent leur signification au profit de leurs qualités formelles, l’artiste créant une nouvelle syntaxe dont on ne peut pas venir au bout.

Dans un de ses entretiens, Simone Pellegrini se dit admiratif d’un grand créateur de l’art brut, Adolf Wölfli. Peut-on penser que, comme Wölfli, il fabrique ce que le conservateur suisse Harald Szeemann appelle des « machines célibataires » ? Ces « machines célibataires » seraient des schémas présentant certains mécanismes qui cachent/camouflent les problématiques de la sexualité et de l’origine, et où les éléments masculin et féminin se superposent, favorisant l’expression du fantasme d’auto-engendrement. Ce qui est en exclu n’est pas l’érotisme lui-même, mais la procréation en tant que condition nécessaire pour atteindre l’extase et l’immortalité ; l’acte sexuel est remplacé par l’union orgasmique avec une force de l’au-delà. « Suprêmement ambiguës, [les machines célibataires] affirment simultanément la puissance de l’érotisme et sa négation, celle de la mort et de l’immortalité, celle du supplice et du wonderland, celle du foudroiement et de la résurrection »… La spécificité de l’image qui en résulte résiderait dans ce salut ultime atteint par la sublimation artistique qui transforme l’angoisse de l’anéantissement. Les œuvres de Simone Pellegrini peuvent se prêter à cette interprétation, mais on peut tout aussi bien se contenter de suivre ce qui nous fait signe, se perdre dans ces jardins-labyrinthes dont les figures sont les pages d’un dictionnaire mystérieux, à la recherche d’une clé, et s’abandonner à notre imagination…



Barbara Safarova